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De la convergence de l'UMA avec les normes IFRS

  • Ahmed Cherif CHEIKHNA
  • Jan 8, 2013
  • 17 min read

Les normes comptables internationales entre scientificité, légitimité et nécessité : plaidoyer pour une adoption concertée par les pays de l’union du Maghreb arabe





Communication présentée en marge de la 5ème Conférence sur l’intégration économique régionale dans les pays du Maghreb arabe
organisée à Nouakchott les 8 et 9 janvier 2013


Ahmed Cherif Ould Cheikhna

Diplômé HEC

Expert-comptable Diplômé

Professeur à l’Université de Nouakchott

et à l’Ecole Nationale d’Administration, de Journalisme et de Magistrature


Résumé


Un intérêt grandissant est porté de nos jours aux normes IFRS en raison de la ‘scientificité’ qui caractérise le processus de leur préparation et de la légitimité acquise au fil des ans auprès des autorités compétentes en matière comptable et de contrôle. Ce succès s’explique également par l’effort inlassable fourni par l’IASB dans le dessein de répondre aux exigences de la mondialisation des échanges commerciaux et de la globalisation des marchés financiers, et ce à travers la révision des normes comptables et leur réadaptation à l’évolution rapide des affaires et aux mouvements transfrontaliers des capitaux. Un motif de souveraineté est souvent ajouté aux raisons évoquées ci-dessus. En effet, en adoptant les normes IAS/IFRS, les pays s’affranchissent de l’hégémonie directe des grandes puissances en matière de normalisation comptable. Mais l’absence d’inféodation sera à la mesure de leur implication active à l’élaboration des normes comptables internationales. C’est justement pourquoi des ensembles régionaux ou continentaux ont coordonné leur convergence vers les normes internationales après avoir pris soin d’unifier leurs systèmes juridiques et économiques pour se présenter en ordre de bataille. Nous pouvons citer à cet égard les expériences de l’Union européenne et de l’Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Puisse l’Union du Maghreb Arabe se joindre à ce peloton de précurseurs ! Son unité n’en sera que mieux renforcée. Il est communément admis qu’une hiérarchisation peut être adoptée dans le processus de convergence vers les normes de l’IASB. C’est ainsi que la priorité peut être donnée aux entreprises à vocation internationale qui sont amenées à lever des fonds sur le marché des capitaux. De même, les institutions internationales admettent la grande diversité des systèmes culturels, légaux et sociaux des pays et leur reconnaissent le droit de tenir compte de ces spécificités lors de l’adoption des normes IFRS et de la préparation de leurs programmes de formation et de perfectionnement.



Introduction


La normalisation comptable est comme son nom l’indique, la normalisation de comptabilités. Le Conseil National de la Comptabilité en France souligne que « art, science ou technique, la comptabilité a pour ambition de constituer un système cohérent d’information et de communication au service de l’entreprise, aussi bien sur le plan interne que sur le plan externe » (1).

Pour être utile et de qualité, toute information se doit d’être à la fois compréhensible, interprétable et comparable. Cela suppose le respect de certaines règles « qui constituent certes des conventions ou normes mais sans lesquelles un chiffre non replacé dans un contexte et un cadre précisés à l’avance devient sans valeur ni signification » (2).

Pour Pierre LAUZEL : « la normalisation et la rationalisation doivent être conçues et réalisées de manière à dépasser l’aspect purement mécanique de la technique comptable, la gratuité de l’art pour l’art et orienter la recherche vers l’utilisation rationnelle des comptes en fonction d’objectifs économiques et sociaux nettement précisés » (3). Cela pose la question des objectifs ou buts poursuivis par la normalisation comptable et qui sont autant d’avantages que doivent pouvoir en tirer les différents utilisateurs, chacun selon ses besoins d’informations. Les avantages de la normalisation comptable sont :

- soit d’ordre sectoriel ou interne aux entreprises ;

- soit liés à l’économie nationale ;

- soit à caractère scientifique et pédagogique ;

-soit enfin à retombées socio-économiques ou constituant un facteur d’intégration régionale.

Nous développerons plus loin les vertus unificatrices de l’harmonisation comptable dans le cadre de notre plaidoyer pour l’adoption concertée des normes IFRS par les pays de l’Union du Maghreb Arabe.



 

(1) - Commission des Etudes Générales du Conseil National de la Comptabilité, juin 1989 et portant sur « l’évolution de la Comptabilité et son utilisation comme moyen d’information d’entreprise » (p.27)

(2) - Yves BERNHEIM, « La comptabilité en marche : les plans et nomenclatures comptables sont-ils toujours adaptés ? Faut-il substituer des critères économiques aux critères juridiques ? »

(3) - Pierre LAUZEL, Plan comptable commenté, Tome II, p. 65

 

L'étude des expériences réussies sur l’échiquier international conduit à distinguer trois principales écoles de normalisation comptable :

- une normalisation publique dite également ‘descendante’ où le juridisme marqué constitue un achoppement de taille pour les tentatives d’évolution des traitements comptables de certaines opérations : les groupes de travail précurseurs en la matière se trouvent souvent obligés de conclure que leur proposition est donnée « sous réserve de l’évolution de la réglementation ». La France et l’ex-URSS en constituent les modèles respectivement modéré et extrême. La normalisation publique est caractérisée par la multiplicité des sources de « droit comptable » et la présence d’un plan comptable général d’application obligatoire ;


- une normalisation privée, dite ‘ascendante’ dans laquelle les organisations professionnelles privées sont les principales parties prenantes. C’est le cas notamment dans les pays anglo-saxons, au Canada et au Japon. La normalisation privée se distingue par :



· l’existence d’un cadre conceptuel de base ;

· l’implication des utilisateurs au moyen de la démarche dite « due process » ;


- une normalisation comptable internationale : la globalisation de l’économie, l’émergence de sociétés multinationales, le développement des marchés de capitaux et le mouvement de privatisation, d’une part, et l’impératif d’intégration économique à l’échelle régionale ou continentale, d’autre part, ont rendu nécessaire l’internationalisation du langage comptable. C’est l’objet de l’harmonisation comptable entreprise à l’échelle mondiale par l’International Accounting Standards Board (IASB) et aux niveaux régionaux ou continentaux par :

-l’Union Européenne (4ème et 7ème directives européennes notamment);

-l’Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) et le Conseil Africain de la Comptabilité (SCAR-B).


Le développement de ces deux dernières expériences est hors de notre propos. Nous nous limiterons à ce niveau à l’apport de l’IASB dont la scientificité d’approche et la légitimité acquise au fil des ans ont contribué à forger l’image de marque auprès des Etats et des professions comptables. Pour ce faire, nous commencerons par un bref retour historique sur les origines de l’IASC/IASB.


Organisation sans pouvoir coercitif (Walton, 2001) imaginée par Henri BENSON, un associé du bureau de Coopers & Lybrand à Londres et créée en 1973 par les professions comptables de neuf pays riches en majorité, l’IASC/IASB s’est lancée dans « une quête stratégique de soutiens susceptibles de lui donner ce pouvoir qui lui manque » (Colasse, 2004).


Cette stratégie fondée en grande partie sur une approche de la scientificité, a permis d’assoir sa légitimité et a rendu « irrésistible cette résistible ascension de l’IASC/ IASB » (Colasse, 2004).


I- De la scientificité d’approche de l’IASC/IASB


Comme le rappelle Gilbert Gélard (1994), les normes de l’IASC n’ont pour elles que leur qualité, l’esprit d’indépendance et d’expertise dans lequel elles sont élaborées, et l’engagement pris par les membres de faire de leur mieux , dans la limite de leurs moyens, pour les rendre applicables dans leurs pays.

Trois maîtres-mots constituent selon Colasse (2004) le fondement de l’approche scientifique de la normalisation comptable internationale par l’IASC/IASB :


- la compétence ;

- l’impartialité ;

- l’indépendance.


1.1- La compétence de l’IASC/IASB :


La compétence de l’IASC/IASB s’est manifestée à travers :


- un cadre conceptuel en tant que système cohérent dont elle s’est dotée en 1989 pour guider ses travaux d’élaboration des normes ;


- un effort de comblement des vides constatés dans les réglementations comptables nationales au lieu d’une logique d’affrontement dans laquelle l’IASC serait le perdant. C’est le cas en matière des comptes consolidés dont la réglementation était à une certaine époque inexistante dans la plupart des pays.


Dans un discours, prononcé devant la conférence de l’Association for Accounting Education & Research (IAAER) tenue le 20 juin 2012 à Amsterdam, Hans HOOGERVORST, Président de l’IASB, a défini trois idées clés qui guideront le nouvel agenda du Conseil pendant les toutes prochaines années : Principes, Pragmatisme et Persévérance.


- Principes : H. HOOGERVORST soutient que la comptabilité n’étant pas une science exacte, la normalisation basée sur les principes au lieu de lois et règlements, demeure la panacée. Comme le jugement est inévitable [en matière comptable, ndlr] il sera guidé par des principes clairs plutôt que par des soi-disant exactes lois avec force détails. Le Président affirme que les principes comptables de base de l’IASB seront renforcés par révision en cours du cadre conceptuel et le traitement de questions épineuses comme l’évaluation, les indicateurs de performance, la notion de revenu élargi, la reconnaissance des produits, etc.


- Pragmatisme : sachant qu’il n’est pas toujours possible de donner une réponse précise à toute question d’ordre comptable, le bon sens et le pragmatisme prévaudront ; le président de l’IASB cite à ce propos Keynes : « Il vaut mieux avoir à peu près raison que d’avoir tort avec précision ». Selon Hans, le pragmatisme consiste également à éviter les possibilités d’usage indésirable et d’abus des normes dans les cas d’incertitudes élevées. Une garantie d’un reporting de qualité vaut mieux qu’une quête faussement assidue de la quantité.


- Persévérance : c’est la garantie que le pragmatisme ne se confondra pas avec l’opportunisme. La normalisation comptable se doit d’être fermement indépendante vis-à-vis des intérêts spéciaux.


Lors de son audition par le Sénat américain en février 2002, le Président de l’IASB a déclaré que le scandale Enron n’aurait pas pu avoir lieu en normes IFRS. Les US GAAP qui ont servi de référentiel pour l’entreprise incriminée, sont des règles particulièrement prolixes définissant les interdits en matière comptable. Mais même dans ce cas, le champ des questions qui peuvent se poser ne peut pas être circonscrit pour être entièrement couvert. Dès lors, tout ce qui n’est pas expressément interdit se trouve de fait autorisé et la créativité des comptables n’aura ainsi comme limite que leur imagination.


1.2- -L’impartialité de l’IASC/IASB :


L’approche dite de ‘due process’ de l’IASC/IASB vise à faire participer toutes les parties prenantes à l’élaboration de ses normes. Il convient toutefois de noter la primauté accordée par l’IASB aux investisseurs dans son processus de normalisation (1). En effet le paragraphe 10 du Cadre conceptuel affirme que « bien que tous les besoins d’information des divers utilisateurs ne puissent pas être comblés par les états financiers, il y a des besoins qui sont communs à tous. Comme les investisseurs sont les apporteurs de capitaux à risque de l’entreprise, la fourniture d’états financiers qui répondent à leur besoins répondra également à la plupart des besoins des autres utilisateurs ».



 

(1)- De l’avis de Hans Hoogervorst, les prochaines années verront l’instauration d’une plus grande collaboration avec ce qu’il appelle « les utilisateurs finals », ceux qui détiennent effectivement les actifs des entreprises, à savoir les investisseurs institutionnels.


 

Cette orientation friedmanienne de la responsabilité de l’entreprise (Colasse, 2004) trouve de nos jours des détracteurs qui lui opposent la responsabilité sociale des entreprises (Corporate Social Responsability) (1).

Comme le soutient Zeff (1978, p.60), les règles comptables n’étant pas un instrument neutre de mesure mais plutôt le résultat d’un processus politique déterminé par les intérêts économiques des parties prenantes, un lobbying dont les têtes de pont sont les pays anglo-saxons et les ‘Big four’ a fini par s’installer. Certains auteurs (Flower 1997, p. 289) pensent que l’IASB est « une tête de pont des Etats-Unis et du Royaume Uni » ; d’autres vont même jusqu’à utiliser l’expression de ‘cheval Troie’ (Nobes, 1994, p.21).

La politique à proprement parler s’en est également mêlée pour dénoncer une certaine partialité des normes comptables internationales. C’est ainsi que le Président français, Jacques Chirac a adressé le 04 juillet 2003 un courrier au Président de la Commission européenne pour attirer son attention sur le fait que « certaines normes comptables en cours d’adoption dans l’Union européenne risqueraient de conduire à une financiarisation accrue de notre économie et à des méthodes de directions des entreprises privilégiant trop le court terme ». Colasse (2004) note que l’on peut penser que cette intervention du président français a eu une influence sur la décision de rejet des normes IAS 32 et 39 par l’Union européenne. Cette position a été rendue possible par le poids de l’Union européenne sur l’échiquier international.

Nous insistons précisément, plus loin, sur la nécessité pour un groupement ou une communauté de pays de peser lourd sur le plan international pour préserver leur souveraineté face à tout lobbying en matière de normalisation comptable supranationale.


1.1- L’indépendance de l’IASC/IASB :


La réforme de la structure de l’IASC/IASB réalisée en 2001 a permis de l’affranchir de la tutelle de la seule profession comptable privée sans pour autant tomber sous la coupe des normalisateurs nationaux. L’IASB est devenue ainsi une fondation dont les dix-neuf membres, les trustees, représentent les différentes parties prenantes à l’harmonisation comptable internationale. Les trustees choisissent les quinze membres à temps plein du Conseil de l’IASB qui sont ainsi censés se comporter en toute indépendance. Les critères de choix sont l’expertise technique et la diversité de l’expérience internationale des affaires et des marchés.



 

(1)- Sur ce sujet lire OULD CHEIKHNA Ahmed Cherif (2012), Ethique et responsabilité socio-économique des entreprises, Revue Mauritanienne de Droit et d’Economie, n°19, juin 2012, p. 1 à 41.

 

L’efficacité des ‘trustees’ dans l’exercice de leurs fonctions est évaluée annuellement par le Trustee’s Due Process Oversight Committee (DPOC). Dans leur travail, ils rendent formellement compte au ‘Monitoring Board of public authorities’. Le ‘Monitoring Board’, la revue de la Constitution programmée tous les cinq ans et les publics meetings sont autant de pierres angulaires de cette ‘comptabilité’.


Colasse (2004) s’interroge sur ce que l’on entend par indépendance et sur sa possibilité même et soutient que l’on est toujours dépendant de son back ground : la formation de soi, son expérience, son milieu social, etc. Il note au passage la prédominance des anglo-saxons dans le Conseil de l’IASB.


La scientificité de l’approche de l’IASB est également remise en cause par certains auteurs à travers la notion de juste valeur proposée par le normalisateur international. Claude Simon et Hervé Stolowy (1999) ont montré le caractère subjectif des hypothèses de base à l’évaluation, notamment l’intention de durée de détention des titres. Colasse (2004) a insisté sur le risque d’inadaptation de la modélisation de la juste valeur et la brèche qu’elle peut ouvrir en matière de comptabilité ‘créative’. Plus généralement, H. HOOGERVORST (2012) a exprimé son étonnement devant la multitude des méthodes d’évaluation retenues par les normes IFRS et les US GAAP : il en a dénombré une vingtaine allant du coût historique à la juste valeur en passant par la valeur d’usage. Mais il y a lieu d’y voir tout simplement l’exception qui confirme la règle : des efforts de réduction des éventails optionnels sont effectivement en cours, en réponse à la crise financière.


I- De la légitimité et du pouvoir accru de l’IASC/IASB :


La démarche de normalisation internationale de l’IASC/IASB s’est voulue d’abord conciliante, privilégiant l’ouverture et les compromis par rapport à l’affrontement avec les règlements comptables nationaux, ce qui a beaucoup contribué à sa légitimité sur le plan international.


En effet, l’IASC/IASB a connu trois principales phases dans son développement :


- une phase de codification des pratiques en vigueur par élimination de celles parmi elles qui sont jugées particulièrement déviantes. Cette phase a duré jusqu’à 1988. Le Président de l’IASC pouvait alors dire que « ce qui est important dans les normes de l’IASC, ce n’est pas ce qu’elles autorisent, c’est ce qu’elles interdisent ». Cette approche a permis d’offrir des options de traitement comptable qui ont contribué à faire accepter plus facilement les normes de l’IASC.


- une phase de quête de la comparabilité couvrant la période de 1989 à 1993 ; elle a constitué à ne retenir qu’une option parmi l’éventail des possibilités, au nom du principe selon lequel « les évènements semblables doivent être traduits en comptabilité de la même façon ». Cette étape a abouti à la révision de dix normes comptables et a permis d’asseoir la crédibilité de l’IASC.


- une phase de conceptualisation et de resserrement des normes amorcée en 1994, qui a débouché sur l’élaboration du Cadre conceptuel de préparation et de présentation des états financiers. Ainsi l’IASC se sera, selon Gilbert GELARD (994) «comporté pour la première fois en véritable normalisateur, et non en harmonisateur (a posteriori) des pratiques des autres ». Depuis, l’IASB a publié les normes IAS de 1 à 41 et IFRS de 1 à 13.


Comment donc l’IASC/IASB a-t-il réussi concrètement cette irrésistible ascension ?


L’appui obtenu en 1982, de l’International Federation of Accountants (IFAC) a permis à l’IASC d’étendre son pouvoir d’influence sur la soixantaine de pays que l’IFAC regroupait alors. La présence parmi ceux-ci de pays en voie de développement a fini par laver l’ISAC de sa réputation de club de pays riches (Colasse, 2004).


Le mouvement de normalisation amorcé en Europe dans les années 70, à travers les 4ème et 7ème directives comptables a quelque peu relégué l’IASC au second plan. Mais l’organisation retrouvera son deuxième souffle à la faveur du soutien obtenu en 1995 de l’International Organization of Securities Commissions (IOSCO) qui comprend en son sein la toute puissante Securities and Exchange Commission (SEC) américaine.


En 1995, la communauté européenne a changé de stratégie en finissant par soutenir officiellement les travaux d’harmonisation comptable internationale menés par l’IASC. Cette position a été prise en réaction au refus de reconnaissance mutuelle par les Etats-Unis d’Amérique de l’information comptable sur les normes européennes, à un moment où le recours au financement international devenait incontournable.


Une communication de la Commission européenne datée de juin 2000, a préconisé l’application à partir de juin 2005 des normes IAS.


Le règlement européen du 19 juillet 2002 a retenu cependant le principe que les normes IAS ne seront mises à application que dans la mesure où elles sont jugées conformes à l’intérêt public européen et ce au terme d’un processus d’approbation individuelle de chaque norme. C’est justement cette exigence d’intérêt qui lui a fait adopter les normes publiées alors par l’IAS (IAS 1 à 41) à l’exception des normes 32 et 39 qui traitent des instruments financiers. Le rejet de ces deux normes semble être dicté par le caractère difficilement saisissable de la notion de ‘juste valeur’ retenue pour l’évaluation des instruments financiers : lorsqu’elle est obtenue à partir du marché, la juste valeur est caractérisée par sa volatilité ; en cas d’absence de marché, elle doit alors faire l’objet d’une modélisation avec tous les risques de subjectivité ou d’imprécision que cela implique. Il convient toutefois de noter que l’exclusion des normes 32 et 39 constitue une entorse à la disposition selon laquelle « les états financiers ne doivent pas être décrits comme se conformant aux Normes comptable internationales s’ils ne se conforment pas à toutes les dispositions de chacune d’elles ». L’influence, encore modeste, de l’Europe dans le processus de normalisation comptable international de l’IASC est exercée à travers de représentants à statut d’observateurs.


En octobre 2004, l'IASB et le Financial Accounting Standards Board (FASB) ont décidé de développer un cadre conceptuel commun construit à partir des deux cadres existants. Ce projet de révision est divisé en huit phases (de A à H). A la fin de chacune d’entre elles, la partie correspondante du cadre existant sera remplacée. Les deux organisations ont par la suite signé en septembre 2007, un Mémorandum d’entente dénommé Norwalk Agreement par lequel elles affirment l’engagement pour la convergence dans le cadre d’une feuille de route 2006-2008, actualisée en 2008. La date prévue pour la convergence a par la suite été reportée à 2012.

En novembre 2009, et sur insistance des pays du G20, l’IASB et le FASB ont convenu d’intensifier leurs efforts communs ; en avril 2012, ils ont publié un rapport conjoint retraçant les progrès réalisés au sujet des instruments financiers, largement incriminés dans la survenance de la crise financière de 2008 (1).


II- DE LA NECESSITE ET DE LA HIERACHISATION DE L’ADOPTION DES NORMES IAS/IFRS :


Comme nous venons de le voir, la scientificité et la légitimité internationale de normes IAS/IFRS militent en faveur de leur adoption par les pays de tous bords. Un autre motif de souveraineté peut être ajouté à ces raisons : en adoptant les normes IAS/IFRS, un pays assure son affranchissement de l’hégémonie comptable d’une quelconque puissance étrangère sur les normes de laquelle il ne peut avoir aucune emprise (Etats-Unis d’Amérique notamment, détenteurs des US GAAP).



 

(1)- Le 12 mai 2011, l’IASB et le FASB ont élaboré des prescriptions communes en matière de juste valeur et de présentation de l’information sur les instruments financiers en réponse à la crise internationale.

 

C’est justement ce qui a motivé d’une certaine façon, l’Union européenne dans son appropriation des normes comptables internationales.

La SEC (1) qui n’a toujours pas pris de décision quant aux normes internationales, a cependant pris soin d’énumérer pas moins de trois sujets qui retiennent typiquement l’attention de tout pays avant d’adopter les normes IAS/IFRS :

- dans son arbitrage au titre de la décision du type ‘make or buy’ qu’il doit prendre, un pays doit apprécier dans quelle mesure la qualité de l’information comptable se trouvera améliorée du fait de l’adoption du référentiel comptable international ; il doit également apprécier si le processus de normalisation de l’IASB est plus avantageux qu’une solution en interne. Enfin, le coût de la convergence vers les normes IAS/IFRS est une donnée à prendre en considération dans la prise de décision finale;


- le choix fait par un pays de drainer les investissements étrangers et l’effort fourni à cet effet pèsent également dans la décision d’adopter les normes comptables internationales. En effet, l’évaluation du coût du capital entrant (inbound capital) relève typiquement du domaine des normes comptables. La possibilité de réduction du coût du capital étranger sous les normes IFRS, en particulier lorsque les investisseurs ‘démarchés’ se reconnaissent mieux dans ces normes, constitue à cet égard, un élément de motivation à prendre en compte ;



- la friction causée par les divergences d’approche en matière de traduction comptable des mouvements transfrontaliers de capitaux et le coût qui peut en résulter sont également deux bonnes raisons d’adoption des normes IAS/IFRS.

Une hiérarchisation des nécessités peut être adoptée dans le processus de convergence vers les normes de l’IASB.

C’est ainsi que la priorité pourra être donnée aux entreprises à vocation internationale qui sont amenées à lever des fonds sur le marché des capitaux : celles-ci adopteront les normes IFRS suivant une procédure d’approbation en bloc, sans modification.

S’agissant des autres entreprises où la comptabilité a des fonctions spécifiques ou traduit des réalités économiques, sociales et religieuses propres (finances islamique, prohibition des taux usuraires, etc.), plusieurs solutions peuvent être proposées qui tournent autour de l’adoption des normes internationales comme complément des normes nationales:


- Réconciliation formelle avec les normes internationales par le biais de tableaux de passage des principaux agrégats comptables : capitaux propres et résultat. Mais cette solution présente l’inconvénient d’annoncer deux résultats différents pour un même exercice ;


- Retraitement intégral des états financiers établis en normes nationales pour les conformer aux normes comptables internationales ; cette solution a également l’inconvénient de présenter deux séries de comptes ;


- Donner des informations en annexe aux états financiers, sur les différences entre le traitement en normes locales et internationales.


 

(1)- Article de presse spécialisée: SEC Staff Mum on IFRS Decision, But Channel Critical Criteria, in Compliance Week/Accounting & Auditing blog (12/3).

 

La normalisation comptable est un instrument privilégié de l’intégration économique régionale et continentale. En effet, la communauté de traitement et d’exploitation de l’information économico-financière qu’autorise l’harmonisation de la comptabilité constitue un facteur de rapprochement des opérateurs économiques ; elle leur offre un terrain commun d’entente et de compréhension et leur fait épargner les méfaits de la confusion des langues qui aurait eu raison de la toute puissante tour de Babel. En plus de la facilitation des échanges, l’effort commun de formation et de réflexion initié à la faveur de cette harmonisation constitue un important facteur de réunification.


Conclusion


Une ambition légitime que nous devons partager à l’échelle Maghrébine est de pouvoir unifier notre langage comptable. En plus des avantages évoqués dans les précédents développements, et dont l’objectif d’harmonisation n’est pas des moindres, l’adoption concertée des normes IFRS constitue de notre point de vue, la solution de raccourci, la roue n’étant plus à réinventer.


En effet, lorsqu’ils auront fait le choix d’adopter les normes IAS/IFRS, les pays du Maghreb Arabe ont tout intérêt de pouvoir peser de leur poids commun dans l’élaboration des futures normes ou la révision d’anciennes autres pour mieux les conformer à leurs valeurs religieuses ou culturelles, comme à leurs intérêts économiques (1). Cet exercice sera le mieux réussi à travers une convergence comptable dont l’action sera concertée entre les pays de l’Union. Celle-ci sera le mieux réussie en passant par une harmonisation du droit des affaires : codes de commerce, du travail, des investissements, droits comptable, bancaire et des assurances, etc. L’élimination des barrières à l’échange des services comptables, chère à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), et l’élaboration d’informations financières comparables pour une meilleure compétitivité des entreprises n’en seront que mieux assurées à l’échelle régionale.


L’instauration d’une collaboration plus étroite entre les pays du Maghreb Arabe en vue de dégager des positions communes sur les questions de normalisation comptable permettra également de renforcer leur influence dans le débat sur la standardisation internationale. La réponse aux ‘exposures drafts’(2) pourra ainsi être concertée avant sa transmission à l’IASB, ce qui permettra une influence plus grande dans les travaux de l’organisation internationale.


Cela passe impérativement par la disponibilisation des ressources nécessaires pour mobiliser l’expertise technique en matière de normalisation comptable et assurer un effort commun de formation et de veille pour suivre l’actualité en matière de normes comptables internationales. La coopération au niveau régional permettra ainsi de réduire sensiblement les coûts de la convergence grâce à leur mutualisation.



 

(1) Dans son Statement of Membership Obligations n°2 (SMO 2), l’International Federation of Accountants (IFAC) reconnaît la grande diversité des systèmes culturels, linguistiques, éducatifs légaux et sociaux des pays dans lesquels se trouvent ses entités membres et admet qu’il leur revient de déterminer les besoins spécifiques de leur programme de formation et de perfectionnement, tout en respectant les exigences définies dans les International Education Standards (IES).

(2) Document émis par l’IASB pour recueillir les commentaires du public des praticiens de la comptabilité sur les nouveaux projets de normes comptables internationales.

 


LEXIQUE

Le processus de normalisation comptable de l’IASB ou ‘due process’ comporte les étapes suivantes :

- Développement et publication d’un ‘Discussion Paper’(DP) ou document à des fins de discussion, portant sur un sujet qui aura été arrêté par le Board (Conseil) et approuvé par les Trustees ;

- Collecte, analyse et résumé des ‘Public comment letters’ sur le DP ;

- Développement et publication d’un ‘Exposure Draft’ (ED) ou exposé-sondage. Les commentaires sur l’ED sont recevables pendant une période 4 mois au minimum. Le projet est complété, le cas échéant, par des tests de terrain et des tables rondes ;

- Publication de la norme IFRS sous sa version définitive conditionnée par l’approbation de 9 membres au moins sur les 14 qui composent le Board.



 
 
 

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